A l’initiative de l’archevêché et des communautés juives de Toulouse, une journée de commémoration pour les 80 ans de la lettre  de Mgr Saliège a été organisée dimanche 20 novembre dernier.
Claire-Cécile, xavière et adjointe en pastorale au lycée jésuite Le Caousou, y a participé avec des élèves.

Le Père Arnaud Franc, responsable des relations judéo-chrétiennes pour le diocèse, m’avait demandé en tant que responsable de la pastorale au lycée jésuite Le Caousou de faire participer des élèves à cette journée de commémoration, qui comprenait trois temps forts : une messe le matin, une cérémonie intime à la synagogue en début d’après-midi et une cérémonie devant la cathédrale avec de nombreux officiels en fin d’après-midi.

Si nous avons été sollicités pour participer à cette journée, c’est que Mgr Saliège ne s’était pas contenté d’écrire une lettre pastorale pour s’insurger du sort réservé aux Juifs – lettre que tous les curés du diocèse avaient dû lire en chaire – mais qu’il avait aussi soutenu le réseau Garel – créé pour cacher les Juifs – dont le Caousou faisait partie.

La messe a commencé par la lecture par des jeunes de la lettre de Mgr Saliège gravée sur une plaque de marbre :

« Mes très chers Frères,

Il y a une morale chrétienne, il y a une morale humaine qui impose des devoirs et reconnaît des droits. Ces devoirs et ces droits, tiennent à la nature de l’homme. Ils viennent de Dieu. On peut les violer. Il n’est au pouvoir d’aucun mortel de les supprimer.
Que des enfants, des femmes, des hommes, des pères et des mères soient traités comme un vil troupeau, que les membres d’une même famille soient séparés les uns des autres et embarqués pour une destination inconnue, il était réservé à notre temps de voir ce triste spectacle.

Pourquoi le droit d’asile dans nos églises n’existe‐t‐il plus ?
Pourquoi sommes‐nous des vaincus ?
Seigneur ayez pitié de nous.
Notre‐Dame, priez pour la France.

Dans notre diocèse, des scènes d’épouvante ont eu lieu dans les camps de Noé et de Récébédou. Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes, les étrangers sont des hommes, les étrangères sont des femmes. Tout n’est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain. Ils sont nos Frères comme tant d’autres. Un chrétien ne peut l’oublier.

France, patrie bien aimée France qui porte dans la conscience de tous tes enfants la tradition du respect de la personne humaine. France chevaleresque et généreuse, je n’en doute pas, tu n’es pas responsable de ces horreurs.

Recevez mes chers Frères, l’assurance de mon respectueux dévouement. »

Jules‐Géraud Saliège
23 août 1942

Perspective historique

L’évocation historique croisée à la synagogue, durant la cérémonie à la cathédrale et lors d’une journée d’étude à l’Institut Catholique de Toulouse le 24 novembre, sur le rôle de la lettre de Mgr Saliège et de son action a mis en valeur sa force. Malgré son handicap – il était quasiment hémiplégique, ce qui altérait sa parole et la possibilité d’écrire -, Mgr Saliège a livré une lettre à son image : des phrases courtes et percutantes.

Cette lettre a eu un retentissement non seulement dans le diocèse, mais aussi au niveau national. Elle a été lue à la BBC. Elle a permis de faire prendre conscience à beaucoup de la réalité des déportations. Cette lettre pastorale a été suivie par quatre autres évêques : à Montauban, Albi, Nice et Lyon. Ces cinq lettres ont permis d’infléchir la politique de Vichy dans sa collaboration antisémite. Finalement, la France a été le pays d’Europe qui a le moins déporté la communauté juive. Ainsi, des historiens se posent la question de savoir pourquoi l’Église de France est toujours dans l’atmosphère de repentance, alors qu’elle a été la seule à résister ouvertement, même si cela ne concerne que 5 évêques sur 100.

Un témoignage

Durant la cérémonie, le témoignage d’une femme cachée alors qu’elle avait 15 ans a été émouvant. Échappée d’un camp d’internement de Lorraine, elle a réussi à passer la ligne de démarcation et atteindre Toulouse. Elle a été immédiatement prise en charge par le réseau et cachée par les sœurs au couvent Notre Dame de Massip dans l’Aveyron, avec 80 autres enfants. Malgré une dénonciation, ils ont réussi à survivre.

Devenir des justes

A travers la journée de commémoration du dimanche, les jeunes ont eu toute leur place et les relations judéo-chrétiennes se sont renforcées. Le poème Les justes de Paul Rozenberg, lu par deux jeunes filles du Caousou, faisait retentir avec force ces mots comme un refrain : « Des faibles ou des robustes sont devenus des justes ! » Nous avons pris conscience que nous avons à faire l’Histoire qui que nous soyons.

Vidéos

Revoir la messe pour les 80 ans de la lettre, filmée par KTO.

Revoir la cérémonie d’hommage

Maurice Lugassy et l’Abbé Arnaud Franc nous parlent de la figure de Mgr Saliège et de sa lettre, qui a marqué l’Histoire. (vidéo du diocèse de Toulouse)